jeudi 11 août 2016

Iran (1) - Téhéran et Alam Kuh, acclimatation à la vie iranienne

Une escale de 45 min ça s’annonce déjà court sur le papier, mais quand le premier avion démarre avec plus d'une heure de retard et que le second est programmé seulement une fois par jour, alors la on n'y croit plus du tout et se prépare déjà à passer notre première journée et nuit de vacances sur le banc d'une salle de transit...






C’était être assez pessimiste car la compagnie Pegasus est en fait bien organisée et un stewart nous attend à la sortie de l'avion pour nous transférer par des raccourcis vers le second avion qui nous attend sagement depuis une heure. Ouf!

 Ça y est, les vacances ont officiellement commencé!

Nos bagages bien sur n'ont pas suivi, ils seront livrés demain à notre hôtel. Ce léger contretemps s’avère en fait assez bénéfique parce que partir de Londres à 16h en deux vols de 3h pour arriver à 7h du mat, le décalage est assez rude. Alors autant avoir une journée de plus pour se reposer avant de partir crapahuter à 4800m!

Bref il est 3h du matin, l'avion entame sa descente au dessus de Téhéran, les filles ajustent leur foulards et remettent leur gilet long. Les hôtesses restent dévoilées par contre. Surprenant, car théoriquement pas d'exception: lorsque l'on entre dans l'espace iranien la loi islamique s'applique, et mieux vaut ne pas discuter.
 
20 minutes, un visa et -150euros plus tard, on pose notre premier pied sur le sol Iranien! L’aéroport est à une heure du centre ville et le trajet passe devant notre première mosquée du voyage: Imam Khomeni Complex, je cite son nom car autant se mettre dans le bain tout de suite, Imam Khomeni est la star du pays, le leader de la révolution islamique, le guide suprême et au moins la moitié des routes, mosquées ou squares d’Iran portent son nom!
Les minarets, les montagnes derrière, le lever de soleil le ciel rose, magique on est bien en Orient!


Après une courte sieste pour essayer de rattraper un peu de sommeil, la curiosité est trop forte. Direction Ferdosi road pour changer de l'argent. Pas de banques internationales en Iran, il faut donc avoir à l’arrivée l'intégralité des sous du voyage, et avoir fait un budget prévisionnel assez précis pour éviter de se retrouver sans sous au milieu du voyage. Au vu du taux de change on se retrouve en une minute riches de plus de 40 millions de Rials iraniens! Bizarrement dans le pays personne ne parle jamais en Rials. Les prix sont demandés en Tomans. Il faut multiplier par 10 pour retomber en Rials, et souvent rajouter les zéros des milliers omis pour aller plus vite. On se voit par exemple demander 8 Tomans, ou 8000 Tomans pour 80,0000 Rials.
Voila pour le coté pratique. Coté art, puisque les iraniens sont très portés sur les arts, on note que Ferdosi est un très célèbre poète du pays.


Le plus beau monument historique de Téhéran est le palais du Golestan, ancien palais royal utilisé par les shahs (rois) jusqu'en 1970 pour les cérémonies officielles. Des mosaïques pastel sur tous les bâtiments et arches, et à l’intérieur des miroirs ciselés recouvrent les murs et les plafonds, des cadeaux diplomatiques étrangers, vases chinois, vaisselles napoléonienne ou services à thé de la reine victoria s’étalent dans des vitrines.

















La chaleur est écrasante et nous oblige à faire des pauses dans les jardins à la recherche des fontaines à eau disséminées un peu partout dans le pays. Donner de l'eau à son prochain est un acte de charité important dans la culture chiite, et pour une fois on est totalement d'accord. Dommage qu'ils n'ajoutent pas de s'habiller légèrement.



Coucher de soleil sur Téhéran et les montagnes qui bordent sa limite nord (plus de 3000m d'altitude quand même) depuis la Milad Tower où notre copain de Singapour, Mohammad nous invite pour un buffet de spécialités iraniennes. Soupe d'orge, aubergines, olives, poisson, mouton en sauce, riz, noix mixées, pain naan, grenade, pastèque, raisin, on se familiarise en un repas avec tout ce qu'on retrouvera tout au long du voyage.

Style islamique. On ne dirait pas qu'il fait autour de 27degres...

Coucher de soleil sur Téhéran




Vendredi
Pour notre jour de rab, on va chercher un peu d'air frais. Téhéran est assez polluée et la chaleur sèche en contraste de Londres nous assomme à partir de midi. On décide donc de monter au mont Tochal (3957m), une station de ski très populaire, et bonne nouvelle même pas besoin de marcher car un téléphérique part de la ville jusqu'à 50m du sommet! Ça tombe bien car nos chaussures sont toujours quelque part entre Istanbul et Téhéran...

Le téléphérique vintage du Mont Tochal

Les œufs montent en sept paliers de 1000m (altitude de Téhéran) jusqu’à 3700m. Les iraniens férus de sports de montagne, randonnée vtt ou camping sont au rendez vous car aujourd'hui on est vendredi, le dimanche musulman, férié en Iran. Au sommet pas de répit pour les étrangers, photo obligatoire avec la bannière d'un club de montagne, distribution de pistaches, invitations pour déjeuner, dormir ou dîner chez eux... et devant notre refus on se voit même offrir un sac pic nique. Galettes de pains et Fensenjon, un ragoût de grenade et noix avec du poulet.




Au sommet : 3962 m!

Elle est partout!

C'est ainsi qu'on se familiarise avec la bienveillance et la sympathie des iraniens. Un coté nonchalant joyeux et très bavard parfois aussi. Dans la queue pour prendre le télécabine qui redescend, les gens se parlent, plaisantent, s'échangent des pistaches ou amandes grillées; bonne ambiance qui rend l'heure de queue presque agréable.

Redescente sur Téhéran

Un jeune nous dépose en voiture au métro, un amateur de poésie et joueur de setar comme on en rencontrera beaucoup pendant notre voyage. On échange nos coordonnées Telegram, l’équivalent de Whatsapp, très populaire en Iran. Seulement 2 jours en Iran et déjà 5 contacts Telegram!

On flane dans le bazar ancien de Tajrish, très sympa, pour m'acheter une chemise longue islamo-compatible! Cahier des charges: Manches longues, pas de décolleté, descend jusqu'au milieu des cuisses au moins, ample pour cacher les formes et léger pour supporter la chaleur. Le déguisement est complété par un pantalon long, et un foulard qui cache les cheveux et le cou. Pour les hommes, pantalon obligatoire et chemise de mise car les iraniens sont assez classes de manière générale.


Un mélange d’épices

L’extérieur du bazaar de Tajrish

 Tajrish mosque


 
Les arches du grand Bazaar de Téhéran

Vendredi soir, un peu comme notre dimanche en France, on peine à trouver un restaurant. On tourne dans le quartier du grand bazaar fermé et désert, lorsqu'une voiture s’arrête pour nous demander où nous déposer.
_ we are looking for a restaurant, or food...
_ ok come in!
Deux jeunes, qui tout en tchatchant en anglais cassé nous emmènent devant un bouiboui où une longue queue d'iranien attend son Kebab roulée dans une galette super fine avec des herbes, et qui se mange avec des légumes pickle. Ils nous commandent 10 galettes, deux bouteilles de la boisson nationale doogh, refusent qu'on paie, ramènent tout ça dans la voiture, et nous intiment de manger tandis qu'ils conduisent dans Téhéran on ne sais pas où, s’arrêtent chez la sœur de la miss pour déposer des tissus, puis chez son père un peu plus loin pour récupérer des gâteaux, avant de nous redéposer ahuris sur le perron de notre hôtel, baklava à la main et un contact Telegram en plus. Voilà un exemple de ce qui nous arrivera très souvent en Iran.



Samedi
On part à l'aube (enfin 9h) pour une grosse journée de transports vers le départ de la rando de l'AlamKouh (4857m). L'Alam Kooh, kuh, koo, kul ou kool, est la deuxième plus haute montagne du pays à 4850m, après le Damavand. Moins fréquentée que ce dernier, et apparemment avec des paysages plus diversifiés, on a préféré opter pour la cadette. On commence à être fluent sur le "nous voulons aller", ou "mikahahim berim", le sésame qui permet à notre interlocuteur de nous diriger vers une autre personne qui nous emmène dans un taxi qui nous dépose à la station de bus puis va nous recommander à la cahute de tickets, le vendeur nous escortant jusqu’à nos places de bus, et voila!

Vue du bus des paysages au nord de Téhéran, sableux et montagneux

Depuis Téhéran, le trajet passe par Azadi Square, Karaj, Marzan Abad Kelardasht et Vandarbon le village cul de sac d’où part la rando.
Tout le long du trajet on est ébahis par la passion des iraniens pour le camping et le pic nique. Un vrai mode de vie! Un coin de terre au bord de la rivière? Bloqués dans les bouchons? ils déplient la tente autoporteuse, étalent la natte par terre, sortent les tupperwares au bord de la route, et c'est parti.

Déjeuner frugal sur la route: lentille et galettes

Ce soir on campe nous aussi, un peu au dessus du village de Vandarbon, près d'une tente de bergers et apiculteurs, dans le brouillard humide et chaud qui a enveloppé la région depuis qu'on s'est approché de la mer Caspienne.




Dimanche
Un peu moins d'une heure de marche nous permet de sortir du brouillard, pour admirer la magnifique vallée que l'on doit remonter. On passe des ruches, des lavandes sauvages, de la menthe, un berger qui redescend ses moutons, et devant nous les aiguilles grandissent et se rapprochent.


Petit déjeuner à la sortie du brouillard

Un pick up monte des randonneurs locaux jusqu'au fond de la vallée (faignants!)
La lavande sauvage au bord du chemin


Les ruches

Le fond de la vallée s'appelle Hesarchal et est aussi la fin de la piste carrossable. Le pick up attend ici les randonneurs qui redescendront demain. Une tente et une mama qui fait la cuisine. Derrière, le chemin monte plus raide en longeant la rivière devenue torrent rapide et dangereux qui s'engouffre sous la glace. Les névés ne sont pas tous fondus et on alterne traversées dans la neige et dans les champs de fleurs.






Après 2h de montée, on atteint le grandiose plateau du camp de base. Une immense prairie verte, sillonnée de petits ruisseaux coulant des glaciers, et tout autour des montagnes de toutes les couleurs et formes possibles. Un parfait camp de base pour la randonnée, l'escalade ou l'alpinisme, et les trois anciens installés à coté de notre tente l'on découvert bien avant nous. Installés la depuis une semaine ils gravissent tous les sommets alentours, d’après ce que l'on comprend avec nos rudiments de farsi. Ils dorment à la belle étoile. Plus bas, 4-5 tentes des randonneurs pick up qui ont aussi prévu de faire l'Alam Kuh demain comme nous. Chacun vient nous voir pour nous offrir des pistaches et discuter 2 minutes.
Quelle vision mystique, la prière face aux sommets...

Les rivières des glaciers coulent le soir mais pas le matin

Le coin camping parfait!


Notre petite tente tout à gauche...



Lundi.
Réveil 5h, porridge avalé rapidement et départ 5h30 à la frontale, que l'on éteindra vite car la pleine lune est magnifique. Le groupe local part juste derrière nous, mais on le sème rapidement, en montant lentement mais régulièrement. Lentement oui, altitude oblige. Le camp de base est à 3800m d'altitude et on sent les effets de l'altitude dès qu'on fait un effort un peu trop violent. Après 2h de grimpette on peut enfin voir le sommet. Il nous reste une crête à longer qui surplombe une immense vallée glaciaire de l'autre coté, et une montée finale dans le pierrier.

La vue derrière nous, les tentes cachées par des mini sommets

Quand on atteint la crête une immense vallée apparaît, 
et au fond la mer de nuages au dessus de la vraie mer, Caspienne

 Niveau orientation, facile il suffit de suivre les coquilles de pistache! Les derniers mètres sont durs, le souffle est court et les rafales de vent glacées, bref de bonnes sensations de haute montagne. On ne fait pas long feu au sommet, juste le temps d'admirer le panorama. Au nord la mer Caspienne toujours sous une épaisse couche de nuages, au sud une enfilade de montagnes de sable ocre, et plus proche sous nos pied trois immenses vallées, de la glace au centre et des cailloux partout. C'est grandiose et sauvage.



Le sommet ! 4848m.



On a mis 3h30 de montée, et presque autant de descente, car hélas on choisit de prendre un autre chemin qui traverse des névés bien gelés, nous obligeant à les contourner ou creuser des pas... fatigant tout ça!

Le chemin de redescente, visible derrière Luc, traverse les deux fines bandes de neige
Le chemin de montée passe sur la crête à droite.


Vers midi on atteint enfin le camp de base désert. Petite cuisine frugale et redescente vers Vandarbon avec comme projet de camper pas trop loin du départ. Ici aussi les parties enneigées traversées à la montée sont beaucoup plus impressionnantes en descente, et on met beaucoup de temps. A Hesarchal la fille d'un berger nous accompagne, et vers 2000m on retrouve la couche de brouillard qui semble ne jamais disparaître de la vallée.


Traversée du torrent, moins périlleuse que ça en a l'air!


Alors qu'on se demande où camper, un 4x4 qui descend de chez le berger s’arrête et nous fait signe de monter. Trois compères redescendent vers Kelardasht, et refusent de nous laisser camper sous la bruine. Un peu avant la ville ils nous déposent sur le perron d'une maison, "wait here we come back" et reviennent une heure plus tard avec les clefs. "You sleep here, take shower and leave the key under the stone tomorrow". Et ainsi nous avons fait.


Notre abri pour la nuit. Pas si mal!

Mardi
On marche jusqu’à Roudbaraak, où l'on achète pain et fromage frais comme ptit dej. Avant Kelardasht on retombe sur notre hôte de la nuit dernière qui nous dépose au taxi partagé pour Marzan Abad. Dans le taxi partagé, un jeune va aussi à Téhéran, il s'occupe donc de nous négocier un savari que l'on partagera jusqu'à la capitale. A Téhéran, on indique au conducteur où l'on veut aller, mais comme ça n'est pas sur sa route il s’arrête sur le bord de la route, nous hèle et négocie un autre taxi pour le dernier kilomètre, non mais, vraiment trop facile les transports dans ce pays!

Pause thé sur la route. Et derrière, une boucherie visiblement...

Arrêt à Shandiz, LE restau Téhéranais recommandé par tous les iraniens pour son fameux Shashlik kebab (entendez brochette de mouton). Ce qu'ils avaient oublié de nous dire c'était qu'une brochette suffit à nourrir trois personnes! Le shashlik se mange avec du riz safrané, du yaourt, des olives et du pain, un festin après nos trois jours de popote en montagne!



Petit détour par le Nature bridge qui offre une superbe vue sur le nord de la ville et les montagnes.
On dîne au restaurant végétarien du Artist forum, très très sympa la nuit, avant de rejoindre Mohammad pour un verre dans les beaux quartiers. A Téhéran le soir on boit des mojitos ou des caipirinha, mais le rhum est remplacé par de la limonade. La fatigue et la chaleur se chargent de nous tourner la tête.

La vue du Nature bridge
Des dessins anti-américains le long de l'ancienne ambassade americaine
The artists forum, salles d'exposition, cinéma et terrasses de cafés sympas


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Sinon, on a encore plus de photos, et l'album complet est .




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