lundi 21 octobre 2013

Pays Torajan, Sulawesi (1)



Premières longues vacances depuis qu'on est arrivés (1 an quasiment pour Luc). On profite d'un jour férié (Hari Raya Haji) pour partir 10 jours...direction Sulawesi en Indonésie.




Bon alors on va commencer par un petit rappel de géographie pour ceux qui n'ont pas suivi :-) : l'Indonésie c'est ce pays immense et surpeuplé à cheval sur l'équateur, fractionné en plus de 10000 îles plus ou moins grosses, plus ou moins volcaniques, plus ou moins musulmanes...



De gauche à droite: Sumatra la plus exposée aux tsunamis, Java qui abrite la capitale Jakarta, Bali la belle touristique et hindouiste, Lombok, Komodo et son dragon, puis un chapelet de petites îles accessibles en bateau seulement, la Papouasie qu'on va éviter jusqu'à nouvel ordre, Kalimantan plus au nord, qui partage avec la Malaisie, et enfin: Sulawesi, son découpage tortueux, ses transports interminables, et ses traditions culturelles incroyables.




On débarque à Makassar grâce à la toute nouvelle ligne directe Air Asia (2h30 seulement de Singapour) et on embarque dans un 4x4 loué par un couple de belges singapouriens, une fois. Très bonne idée qui nous évite négociations avec les taxis, attentes de bus etc. 8h de route et un dîner au coucher de soleil face à la mer plus tard, on arrive à Rantepao, en pays Torajan.


Les torajan sont une ethnie vivant exclusivement dans les montagnes du nord ouest de Sulawesi. Ils sont célèbres pour leurs traditions funéraires, la construction de granges à riz et d'habitations (Tongkonan) en bois sculpté et peint et au toit caractéristique en pointe. Même si la plupart sont convertis au christianisme ils continuent à perpétuer leurs traditions ancestrales animistes et organisent des cérémonies de funérailles... comment dire... impressionnantes! 

J'y reviendrai plus tard. Pour l'heure, réveillés à l'aube (enfin 6h, le milieu de matinée pour les Indonésiens) par les coqs à Rantepao, on émerge rapidement à l'arrière d'une moto conduite par un local sur des chemins moitiés pavés moitié en terre moitié très très raides. Ils nous déposent à Battutumonga, et c'est parti pour deux jours seuls au monde dans une campagne splendide, avec des gens souriants et adorables. La première partie (Battutumonga-Sapan) est super bucolique. Une une petite route sillonne à travers les villages en enfilade et les rizières en terrasse. 




Dans chaque village on peut voir des maisons au toit typique (les yeux), et parfois des caveaux dans des rochers, surmontés de leurs tau tau, statues à l'effigie des  morts. 




On croise aussi des buffles qui paissent ou barbotent dans la boue, et des porcs attachés a l'arrière des mobylettes, bref une vie rurale tellement paisible. On recharge aussi notre quota star de ciné, quand tous les locaux nous saluent à chaque tournant de route.



Pastèque sur le dos, sarung sur la tête, on dégouline nos habituels litres d'eau sous les 40 degrés de l'après-midi. 




On arrive à Sapan en début de soirée où on décide de passer la nuit. 




A la plus grosse maison du village, on tente de communiquer avec la mamie, " kami tigur di sini?" (nous dormir ici?). Mes cours d'Indonésien (pendant les deux jours précédant le départ) se sont révélés plutôt inutiles vu qu'ils parlent un dialecte Torajan dans le coin. Bref, on arrive toujours à communiquer de toute façon, en gestes et en sourires. Apparemment habituée à héberger de temps à autre des touristes elle nous montre une chambre, nous cuisine un poisson qui nous brûle la bouche et les intestins, et hop au lit à 6h! (le soleil se couche à 6h). On fait bien de ne pas faire d'extra car les villages sont plutôt matinaux ici: à 4h les coqs commencent à  chanter puis ils se relaient toutes les 10 minutes, à 5h les motos commencent leur trafic et les voisins mettent la musique, apparemment pour tout le village, le tout sur un arrière plan de grognements de cochons. Pour petit déjeuner on se voit servir le même poisson épicé que la vieille...euh là on va faire l'impasse pour une fois, et se contenter du riz blanc.






Quelques photos du joli village de Sapan

Deuxième jour, le chemin devient plus montagneux, les villages s'espacent. On passe Pulu-Pulu perché sur un plateau, alors que tout le village est à la messe (ça chante faux jusque haut dans la montagne). 






On croise de moins en moins de cochons et de moins en moins de mobylettes. Puis ça grimpe plus raide jusqu'à un col à 2300m d'altitude, avant de redescendre enfin.






L'arrivée à Barruppo après 5h de marche en plein cagnard est magique, des bosquets de bambous, des rizières dans une sorte de cirque, et des villageois assis devant leurs maisons. 







On goutte le café Torajan avec la famille, puis on repart pour une petite heure de marche, pour la partie la plus époustouflante, sous les lumières plus douces de la fin d'après-midi. 





Le soleil commence à tomber alors on finit la route à l'arrière d'un camion qui passe par des chemins forestiers tellement escarpés qu'on ne les tenterait même pas en moto... Luc s'habitue bien au rôle de pape (ou de reine d'A.) et salue tous les habitants alentours du haut de son camion. 




A Pangala la guesthouse Vegas nous accueille pour la nuit: une chambre, un papi devant la télé, des poules dans le jardin, parfait! On accompagne notre hôte au stade de foot, parce que ce soir, ya match, et tout le village est réuni! C'est la demi finale même! Qui contre qui on a pas bien compris par contre...


(A droit c'est le stade oui)

On retourne à Rantepao le lendemain, un peu perdus dans la ville bruyante après la campagne magnifique du nord. A dos de moto on se balade vers Palawa puis au sud de Rantepao pour voir quelques sites funéraires plus touristiques. 






La grotte de Londa, et ses cercueils et crânes, os qui jonchent les murs de la grotte. Les tautaus assis surveillent l'entrée d'au dessus.





On finit la journée à l'énorme croix lumineuse qui surplombe la ville, et donne une très belle vue des alentours.



Bon parlons des cérémonies maintenant. Les habitants Torajan ont des rites funéraires célèbres et très spéciaux. Quand un parent meurt il est conservé pendant quelques années, le temps qu'assez d'argent soit réuni pour organiser une cérémonie digne de ce nom, qui s'étend sur 3-4 jours. Pendant ce temps l'âme du décédé erre et se prépare au passage dans l'au delà. Un guide local nous emmène assister à une telle cérémonie pour notre dernier jour en pays Torajan. On arrive tôt le matin, présentés à la famille du décédé, puis on lui offre le tabac et le sucre achetés pour en faire cadeau. On s'installe dans les tribunes qui entourent toute la scène. Café, petits gâteaux sont fournis par la famille. Hélas, problème de batterie sur l'appareil photo, du coup on a seulement des souvenirs de mauvaise qualité pris avec nos téléphones. Des rice barn traditionnelles entourent le tapis rouge sur lequel vont défiler les invités. Plus la famille est importante, plus il y a d'invités. Et ceux-ci se doivent d'offrir des cadeaux importants comme un cochon ou un buffle qui seront sacrifiés pour permettre au mort d'atteindre plus facilement l'au delà. 



Les tribunes construites pour les invités

Les groupes d'invités défilent sur le tapis rouge, précédés à chaque fois de danses et chants traditionnels.




Et tandis que derrière c'est la boucherie, les cochons s'accumulent (au moins 100 étalés un peu partout), puis sont tués, flambés au chalumeau et découpés. Les buffles eux aussi s'accumulent, cadeaux des familles invitées.



On est invités à manger avec la famille, tiens du porc au menu? Les gens sont plutôt content de nous voir, et essayent de parler malgré mon indonésien bancal. Euh les trois mots qu'on connait quoi. 




On fait une petite pause pour aller se balader dans les rizières alentours, car la journée est longue. Les gens défilent, les cochons sont tués, du café est servi, des petits gâteaux...


Le buffle albinos, très cher apparemment. Une belle bête.

A la fin de la cérémonie, le cercueil sera mis dans un caveau dans un rocher ou une grotte, ou suspendu à une falaise. Pendant ce temps, comme c'est un jour ferié musulman en Indonésie comme à Singapour, les quelques 20 musulmans de Rantepao on sacrifié un buffle au bord de la route en pleine ville, qui dégouline sur le tarmac...